Développement des entreprises : "La foi n'est pas une potion magique !"
Foi et recherche du profit économique font-elles bon ménage ? Les entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC) de Bourgogne Franche-Comté tenaient leurs assises régionales à Dijon, samedi 09 avril 2011. Catholiques, protestants, orthodoxes : près de quatre-vingt personnes ont débattu avec passion sur la place de Dieu dans l'entreprise, l'impact de l'éthique chrétienne dans le management ou encore le rapport avec l'argent. Au-delà du cliché "patron chrétien = berger bienveillant dans un monde économique de brebis transformées en requins", dijOnscOpe s'en est allé à leur rencontre...
"Nous ne sommes pas un réseau mafieux !"
"Je n'ai pas été confronté à la difficulté de concilier ma foi avec mon activité d'entrepreneur. En fait, j'accepte le jeu de la concurrence lorsqu'il est loyal", explique Jean Battault,
président du directoire des Cassis Boudier en Bourgogne. Pour sa part, Agnès Rault, à la tête d'une TPE de conseil formation RH apporte une réponse plus nuancée : "A chaque fois, je commence
par me remettre en question. Je me demande toujours si je dis oui à une mission du fait que je dispose des compétences pour la remplir ou plutôt pour obtenir un nouveau contrat. Si tel est le
cas, je n'accepte pas la mission".
Quant à la tentation éventuelle de privilégier leurs pairs dans les affaires, Agnès Rault comme Jean Battault sont catégoriques à ce sujet : "Jamais je ne privilégie les entrepreneurs qui ont
la foi ! Je travaille avec une personne, c'est tout ! De plus, je ne parle pas de la foi en milieu professionnel... ". Même son de cloche chez le patron des Cassis Boudier, qui
ajoute avec une touche d'humour : "Vous savez, nous ne sommes pas un réseau mafieux !".
Si Dieu dirige l'entreprise, quelle place pour le dirigeant ?
Les deux entrepreneurs affirment que la foi constitue un atout qui les aide dans leur quotidien de chef d'entreprise. La foi de Jean Battault lui permettrait de donner davantage de sens à ce
qu'il fait et notamment, aux décisions qu'il prend. "La foi m'aide à prendre du recul ; elle m'aide aussi à gérer la densité de mon travail en m'apportant davantage de sérénité. Chacune de
mes actions est portée dans la prière", explique Agnès Rault qui précise toutefois que "la foi n'est pas une potion magique qui fait seule fonctionner une entreprise!".
En tant que patronne chrétienne, Agnès Rault affirme se sentir particulièrement concernée par le devenir professionnel de ses salariés. Pour autant, elle réfute l'idée de se comporter de
manière paternaliste. Au quotidien, le patron chrétien est soumis aux mêmes impératifs économiques que les autres. De surcroît, Jean Battault estime de son côté que "le seul et unique but
d'une entreprise est de gagner de l'argent. Sinon, elle coule. C'est une loi intangible. Gardons-nous de tomber dans l'angélisme".
Au cœur des préoccupations : l'éthique et la morale
Les assises régionales des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC) de Bourgogne Franche-Comté sont un moment de réflexion et de discussion. Sans surprise, les questions de morale ont
occupé une place centrale dans les débats, tant lors de la table ronde du matin qu'à l'occasion des ateliers thématiques qui ont suivi. Interrogé sur les liens entre économie et morale,
Jérôme Lacaille, membre du directoire de la Caisse d'Epargne, estime que l'économie a besoin de la morale car "elle déteste la violence et elle a besoin de la liberté individuelle. La morale,
de son côté, ne peut pas s'abstraire des questions liées à l'économie".
Henry Quinson, ancien trader entré dans un monastère va dans le même sens : "Pour moi, un substrat moral est nécessaire pour assurer le développement économique. Autant la confiance est un
facteur essentiel pour l'économie, autant une trop forte corruption est un handicap économique, comme c'est par exemple le cas dans des pays comme l'Afghanistan". Monseigneur Minnerath,
archevêque de Dijon participant aux débats, va plus loin et entend remettre l'économie à sa place : "Avec toutes ses contraintes, l'économie n'est pas une contrainte absolue. Elle doit être
régulée par la morale. Sans valeurs communes, nous n'avons pas de société possible".
Source : Dijon Scope