"A l’occasion des débats parlementaires qui s’ouvrent pour
réviser la loi de bioéthique, la Fondation Jérôme Lejeune appelle les députés à faire preuve de lucidité, de cohérence et de courage, en soutenant des choix marqués par la
volonté d’atténuer les dérives eugéniques et de restaurer le respect de la vie de tout être humain. 2 enjeux l’exigent de manière particulièrement aiguë :
1) la recherche sur l’embryon,
2) le dépistage prénatal des enfants trisomiques.
Les travaux de la commission spéciale, qui n’ont malheureusement pas compensé les défaillances du texte du gouvernement, confirment l’urgence de ces demandes.
1) Recherche sur l’embryon : lubies et lobbies
LUCIDITE
La commission spéciale n’a pas modifié les articles du projet de loi relatifs à la recherche sur l’embryon qui marquent une rupture importante avec l’encadrement législatif de 2004. Le
texte fragilise significativement les deux conditions cumulatives posées pour déroger à l’interdit de recherche sur l’embryon. Il remplace notamment l’exigence de « progrès
thérapeutiques » par des « progrès médicaux », ce qui devient une contrainte faible ouvrant la porte à des pratiques et des domaines qu’avait explicitement écartés le législateur
en 2004 (recherche fondamentale, besoins de l’industrie pharmaceutiques avec la modélisation des pathologies et le criblage de molécules). Pourtant, personne ne demande cette
évolution, hormis les acteurs de la recherche qui ont intérêt à la libéralisation de la recherche sur l’embryon parmi eux l’industrie pharmaceutique qui veut disposer de cellules souches
embryonnaires pour modéliser des pathologies et cribler des molécules, et l’industrie de la procréation qui a besoin d’embryons pour tester ses nouvelles techniques. Les auditions des
chercheurs par la commission spéciale sont limpides : scientifiquement en 2011 il n’y a aucune raison de persister à favoriser la recherche sur l’embryon humain.
COHERENCE
Or notre société est fondée sur le principe de protection de l’être humain (article 16 du code civil qui affirme que « la loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa
vie »). La protection des plus faibles constitue un principe de civilisation à la base de notre société. Dans ce cadre, la Fondation Jérôme Lejeune demande que les débats soient
conduits par le souci de la cohérence. Sans fondement scientifique, la libéralisation de la recherche sur l’embryon, qu’entrainera l’élargissement des conditions pour déroger, est d’autant plus
scandaleuse.
COURAGE
Les informations objectives dont disposent les parlementaires leur permettent de faire preuve de courage, à l’instar de la proposition qu’ont votée certains d’entre eux en commission limitant
le nombre d’embryons créés pour l’AMP. S’agissant de la recherche sur l’embryon, les députés devraient pouvoir décider de revenir à l’interdit de principe sans dérogation, ou a minima, de
reconduire le moratoire dans les conditions actuelles. Il faut se rappeler que les choix politiques de 2004 ont entraîné un retard des équipes françaises dans les recherches sur les cellules
souches non embryonnaires : reprogrammées (intéressantes pour la modélisation), et adultes, les seules à avoir traité des malades aujourd’hui et sans aucun coût éthique."
2) Dépistage prénatal des enfants trisomiques : une prise de conscience s’impose pour contrer l’eugénisme
LUCIDITE
15 ans après l’encadrement et la généralisation du
dépistage prénatal en France, le constat s’agissant de la trisomie 21 est clair : cette pathologie fait l’objet d’une éradication massive. Les chiffres sont connus : en France, 92 %
des fœtus atteints de trisomie 21 sont dépistés et 96 % d’entre eux sont éliminés. Des voix autorisées (Didier Sicard, Jean-François Mattéi par exemple) mais aussi des institutions (Conseil
d’Etat) ont tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps. Le dérapage d’un parlementaire en Commission spéciale bioéthique le 25 janvier, s’étonnant qu’il reste encore 4% d’enfants trisomiques
à naître en France en 2011, illustre dramatiquement l’état de la mentalité eugéniste de nos contemporains.
COHERENCE
Cette situation exige une prise de conscience à la hauteur. Elle exige que les responsables politiques renoncent aux orientations prises depuis 15 ans poussant à la stigmatisation et à
l’élimination, obstacle à l’accueil et à l’insertion pourtant proclamés par les responsables et attendus par les citoyens. La mise en garde du CCNE à ses tout débuts balise le chemin de la
cohérence aujourd’hui : «Il est à craindre que le recours fréquent au diagnostic prénatal ne renforce le phénomène social de rejet des sujets considérés comme anormaux et ne rende
encore plus intolérable la moindre anomalie du fœtus ou de l'enfant». (Avis n°5 -1985)
COURAGE
Le choix collectif de notre pays et de ses représentants ne peut rester celui du mutisme devant l’eugénisme. Le débat qui s’ouvre demain permettra-t-il un réveil ? Celui-ci n’a pas été
constaté au niveau du gouvernement ou au sein de la commission spéciale. Les mesures à prendre sont pourtant simples, elles ne demandent que du courage :
-
supprimer du projet de loi les éléments développant l’eugénisme (notamment dans l’article 9 du projet de loi l’obligation faite aux médecins de proposer à toute femme enceinte les examens
de dépistage prénatal)
-
informer sur la maladie, sans fantasme ni dramatisation
-
débattre de l’eugénisme
-
organiser des soutiens pour les parents à différentes étapes (annonce du handicap, insertion scolaire ou professionnelle, préparation du vieillissement)
-
développer la recherche à visée thérapeutique
Demain s’ouvre au Parlement un débat qui ne concerne pas uniquement les scientifiques et la représentation nationale, mais bien l’ensemble des citoyens et les valeurs de notre
société. Les forces humanistes seront-elles suffisantes pour contrer les poussées eugénistes ?"